Laboratoire de Géosciences du Pacifique Sud

 
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Télédétection

Etude des Systèmes Coralliens de Polynésie Française

Les systèmes coralliens sont caractérisés par une productivité élevée et une grande hétérogénéité. En Polynésie française, plusieurs types d'édifices insulaires doivent être considérés : les formations récifales d'îles hautes (récif-barrière et récif frangeant) et les atolls (couronne et lagon). L'étude des systèmes coralliens par télédétection satellitaire se heurte à l'inadéquation de la résolution spectrale et spatiale des capteurs les plus courants (SPOT HRV, LANDSAT TM). Ainsi, la description des récifs d'îles hautes et couronnes d'atolls doit être envisagée à l'échelle du paysage, et les méthodes d'analyse doivent compenser la faiblesse des informations spectrales apportées par l'image.

Les axiomes de la logique floue permettent d'améliorer les traitements statistiques et structurels traditionnels afin d'étudier des objets dont la nature et les limites sont imprécises, à l'instar des milieux coralliens. Il devient alors possible de construire des protocoles d'études de ces milieux. Les protocoles que nous avons définis décrivent:

  1. le recueil d'informations sur le terrain,
  2. la mise en correspondance de l'information de terrain et des informations spectrales de l'image,
  3. des méthodes de classification floues (fusion multi-sources, classification paramétrique supervisée, segmentation à l'aide de règles structurelles),
  4. des méthodes d'évaluation des classifications floues réalisées,
  5. la caractérisation des types de frontières entre systèmes écologiques à limites indéterminées

Ces développement méthodologiques compensent une partie des limites reconnues de la télédétection pour l'étude descriptive des systèmes coralliens.

A partir de l'analyse d'images SPOT, nous proposons plusieurs résultats thématiques originaux sur la Polynésie française : cartographie de paysages sous-marins de l'île de Moorea, identification des types de couronnes d'atolls et inventaires d'objets remarquables (mares à kopara). En croisant ces résultats descriptifs avec des informations sur le fonctionnement des récifs acquis par ailleurs, des résultats fonctionnels également originaux sont proposés. Par exemple, nous définissons une typologie à l'échelle régionale des atolls de l'archipel des Tuamotu ou nous évaluons le métabolisme récifal à l'échelle de l'île de Moorea.

Ce travail a constitué le sujet de la thèse de Serge Andréfouët soutenue le 7 mai 1998 .


La Polynésie Française et ses îles

Située au coeur du Pacifique Sud entre 7° et 29° Sud et entre 205 et 226° Est, la Polynésie française est composée de 118 îles océaniques réparties sur 5 archipels, présentant tous des formations coralliennes (Payri et Bourdelin, 1997). Au centre de la Polynésie s'étendent les 77 atolls des archipels des Tuamotu et Gambier. Cet ensemble est très étendu. Il s'étire sur un arc nord-ouest/sud-est long de 1600 km, large de 1000 km, compris entre 14°S et 24°S , 134°W et 148°W. A l'ouest de la Polynésie française se profile l'archipel de la Société avec 9 îles hautes et cinq atolls. Au sud se disperse l'archipel des Australes avec 6 îles hautes et un unique atoll. Au nord se trouve les Marquises avec ses 11 îles hautes, quasiment dépourvues de structures récifales, et son banc corallien submergé à peine apparent. Si l'ensemble des surfaces terrestres est très faible, la Zone Economique Exclusive associée à ce territoire occupe en revanche une superficie de 5 millions de km².


Morphologie et étude des îles

ile de moorea

Les systèmes coralliens d' îles hautes (exemple : l'île de Moorea ci-contre) sont divisés en 4 secteurs géomorphologiques (Battistini et al., 1975):

  1. le récif frangeant juxtaposé à l'édifice terrestre,
  2. le lagon, dépression de largeur variable, qui a souvent l'aspect d'un chenal de largeur réduite,
  3. le récif-barrière situé à la périphérie et n'ayant plus de contact avec la partie terrestre de l'île,
  4. la pente externe, qui constitue la marge océanique du système.

Ce sont essentiellement les récifs frangeants et partie interne des récif-barrières qui ont été étudiés au détriment des lagons, souvent très réduits, et de la pente externe, moins accessible. La zone corallienne la plus fréquentée par les chercheurs depuis 30 ans est sans nulle doute la zone de Tiahura sur l'île de Moorea qui a servi et sert encore de site d'expérimentations pour de très nombreuses études relatives au cycle de la matière (Gattuso et al., 1993; LeCampion-Alsumard et al., 1993; Arias-Gonzalez, 1994; Chazottes et al., 1995; Gattuso et al., 1997; Delesalle et al., 1998), à la biodiversité (Dufour et Galzin, 1993), ou à l'hydrodynamique (Lenhardt, 1988). En revanche, très peu d'études se sont intéressées au système récifal à l'échelle de l'île de Moorea.

L' atoll est structuré en 3 secteurs (Battistini et al., 1975) :

  1. le domaine océanique qui comprend la pente externe,
  2. la couronne récifale qui va de la crête algale externe à la pente interne du lagon,
  3. le lagon

La superficie totale des atolls dans le monde a été évaluée à 115.000 km² par Kinsey et Hopley, (1991). En Polynésie française, 84 îles sur 118 sont des atolls. L'ensemble Tuamotu-Gambier en héberge à lui seul 77. La partie bioconstruite des atolls est l'ensemble "pente externe - crête" et les karenas des lagons. Elle est le siège de la plus intense production et calcification. A l'opposé, les lagons sont des cuvettes de sédimentation, où s'accumulent les débris issus du domaine vivant. Les couronnes supportent les terres émergées de l'atoll et contrôlent par leurs ouvertures les flux d'eaux, de nutriments, de sédiments et de matières vivantes entre le domaine océanique et le lagon. Bien que les pentes externes, les crêtes récifales et les karenas soient les zones les plus productives, ce sont surtout les lagons d'atolls qui ont été étudiés dans les Tuamotu (Salvat, 1971; Sournia et Ricard, 1975; Rougerie et al., 1980; Charpy-Roubaud et al., 1990; Charpy, 1992; Delesalle et Sournia, 1992; Rougerie, 1995; Torréton et Dufour, 1997). Avec le support de l'ORSTOM (Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération) et du PNRCO (Programme National Récifs Coralliens), le programme de recherche TYPATOLL a pour sujet l'étude du fonctionnement des lagons d'atolls de l'archipel des Tuamotu. Les objectifs et données requises pour ce programme ont constitué le fil conducteur de l'ensemble des travaux réalisés sur les atolls.


Application 1 : Inventaires et cartographie des paysages sous-marins de l'île de Moorea

À la suite des travaux de Chancerelle (1996), se pose la question de la répartition des paysages sous-marins sur l'ensemble du lagon de l'île de Moorea. Le paysage corallien défini par Chancerelle dépend à la fois de l'architecture des composants du paysage et de leur abondance. L'approche paysagère est aujourd'hui un concept fructueux pour la recherche en traitements d'images de télédétection (Mathieu, 1994; Poujade, 1994) et il est possible d'étudier la structure globale de l'écocomplexe "système récifal de Moorea" constitué par les objets paysagers définis par Chancerelle.

carte des types de fond

Nos objectifs ont été les suivants :

  1. Effectuer le transfert entre la réalité du terrain telle qu'elle est définie et perçue par Chancerelle vers la réalité du terrain telle que perçue avec des images SPOT. Ceci revient à définir statistiquement une typologie d'objets (donc à préciser leurs natures et leurs limites) qui conserve le maximum de l'information de terrain et qui soit la mieux détectée à l'image,
  2. Proposer une méthode de traitement de l'image qui permette de cartographier les objets "paysages sous-marins " sur l'ensemble du lagon de Moorea. Une amélioration des méthodes existantes est nécessaire car la définition statistique des paysages entraîne une incertitude sur leur nature et ainsi une imprécision sur leurs caractéristiques spectrales qui ne peut être prise en compte par les traitements d'images traditionnels.
  3. Définir sommairement la structure du lagon de Moorea en fonction de la répartition et des propriétés des paysages sous-marins. La nature en continuum des transitions entre paysages sera également étudiée.
  4. Evaluer l'intérêt fonctionnel de cette cartographie pour l'estimation de paramètres de métabolisme à l'échelle complète d'une île.


Application 2 : Géomorphologie des atolls

Dans les années 80, au moment du boum de la perliculture, les problèmes de gestion de l'espace dans les lagons d'atolls ont nécessité la reconnaissance, la cartographie et l'inventaire des différentes unités géomorphologiques. Le manque de couvertures cartographiques fiables à échelle moyenne (1/25 000) nuisait à la précision de la localisation des sites aquacoles implantés dans les lagons des Tuamotu. Dans une optique de généralisation pour des comparaisons entre atolls et pour une uniformisation des traitements d'images, notre objectif a été de proposer un protocole de reconnaissance d'unités géomorphologiques d'atolls à partir d'images SPOT multispectrales XS. Ceci sous-entend trois étapes :

  1. Définir des niveaux de représentation de la morphologie de la couronne d'un atoll compatibles avec la résolution spatiale et spectrale des images SPOT,
  2. Définir à partir de l'image les critères de différenciation entre les éléments géomorphologiques , basés sur leurs caractéristiques spectrales, texturales ou structurales,
  3. Evaluer des algorithmes de traitement capables d'appréhender ces critères de différenciation, afin d'obtenir une représentation de l'atoll en fonction d'un niveau minimum de précision requis et en général pour un type d'application donné.

Application 3: Classification des atolls en fonction des mécanismes de renouvellement de l'eau des lagons

De manière générale, l'hydrodynamique est un facteur de contrôle primordial des processus biochimiques dans les milieux coralliens, à différentes échelles spatio-temporelles (Bradbury et Young, 1981; Hamner et Hauri, 1981; Hatcher et al., 1987; Hamner et Wolanski, 1988; Roberts et al., 1992). Un des facteurs les plus importants est le temps de résidence des eaux. La notion de temps de résidence ("residence time" en anglais) a été à nouveau précisée dans (Delesalle et Sournia, 1992).

Les différences de fonctionnement entre lagons d'atolls sont certainement due aux différences d'intensité des échanges entre le lagon et l'océan. Un faisceau de résultats conforte cette hypothèse. Ainsi, il a été montré que le temps de renouvellement est lié aux concentrations en nutriments dans le lagon de One Tree Island (Hatcher et Frith, 1985) et à la production primaire à Davies Reef (Kinsey, 1985). Avec plusieurs lagons d'atolls et d'îles hautes, (Delesalle et Sournia, 1992) ont montré que la biomasse phytoplanctonique est corrélée au temps de résidence, s'il est inférieur à 50 jours. De même, (Furnas et al., 1990) ont montré dans des lagons semi-ouverts de la Grande Barrière de Corail la relation entre la production primaire et le renouvellement des eaux.

Bien que les observations de terrain soient ponctuelles dans l'archipel des Tuamotu, elles laissent à penser que les débits entrant par les hoa ou les passes (qui vont contrôler le taux de renouvellement des eaux), sont d'abord largement dépendant des conditions climatiques du moment et notamment de la houle. Ce sont essentiellement les caractéristiques géomorphologiques de la couronne qui vont moduler l'intensité des échanges océan/lagon et influer sur les différences de taux de renouvellement des eaux lagonaires.

A l'aide des résultats de l'application 2, nous proposons une typologie fonctionnelle des atolls des Tuamotu basée sur la morphologie de leur couronne, et conséquemment sur les mécanismes de renouvellement des eaux des lagons. Plusieurs travaux menés indépendamment (Pagès, 1998) confirment l'intérêt de cette classification .

 

 


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